Consommation d’alcool et espérance de vie: un article récent casse un mythe
“Un ou deux verres de vin rouge c’est bon pour la longévité!” ... On a tous entendu cette hypothèse. Mais est-elle sérieusement fondée?
Nous avons tous entendu dire qu’une consommation occasionnelle ou régulière d'alcool à des doses faibles ou modérées peut améliorer la santé et la longévité. Cependant, une étude récente a remis en question cette idée (Zhao et al., 2023).
Je souhaite vous partager les résultats d’une revue systématique* et méta-analyse** de la littérature car elle permet de casser ce mythe de manière sérieuse avec des analyses robustes.
Présentation de l’étude
Jinhui Zhao et son équipe ont analysé les résultats de 107 études, regroupant les données de plus de 4,8 millions de participants, pour examiner le lien entre la consommation d'alcool et la mortalité.
Ces participants avaient été inclus dans les différentes études lorsqu’ils avaient entre 19 et 78 ans et ils ont été suivi pendant une période de 3 à 41 ans.
Pendant cette période 425 564 d’entre eux sont morts.
Résultats de cette étude
Consommer de l'alcool de temps en temps ou régulièrement en quantités faibles ou modérées n'est pas associé à une meilleure espérance de vie.
Leurs analyses ont permis de montrer que il n’y avait aucune association protectrice d’une consommation d’alcool occasionnelle ou d’une consommation régulière faible à modérée. En d'autres termes, cela signifie que l'espérance de vie n'est pas plus longue (ni plus courte) par rapport à celle des personnes qui n'ont jamais bu d'alcool de leur vie ;Consommer plus de 2 verres d’alcool par jour est associé à une augmentation de la mortalité. Les chercheurs ont également montré une forte association entre la mortalité et une consommation d'alcool égale ou supérieure à 25 grammes par jour, en particulier chez les femmes. Une consommation égale ou supérieure à 45 grammes d'alcool est associée à un risque accru de mortalité, chez les femmes et chez les hommes.
Mais pourquoi avons-nous entendu dire si souvent qu'un verre de temps en temps était bon pour la santé ?
Des études observationnelles antérieures avaient en effet montré que les personnes classées comme "buveurs modérés" avaient une espérance de vie plus longue que les personnes classées comme abstinentes, c'est-à-dire celles qui ne boivent pas du tout. Cependant, ce mythe est très probablement dû à des biais systématiques (des erreurs) dans de nombreuses études précédentes (Zhao et al., 2023; Fillmore et al., 2007; Holman et al., 1996). J’en présente certains ci-dessous.
Les abstinents “à vie” ou anciens consommateurs d’alcool avaient été mis dans le même panier
Par exemple, de nombreuses études précédentes n'ont pas distingué les abstinents "à vie" et les abstinents actuels, c'est-à-dire ceux qui ont arrêté de boire de l'alcool au cours de leur vie. Les abstinents “actuels" peuvent être d'anciens buveurs qui ont arrêté de boire suite à un alcoolisme ou ayant arrêté de boire pour des raisons de santé. Pourtant, des études ont montré que les anciens buveurs d'alcool présentaient un risque de mortalité significativement plus élevé que les abstinents "à vie" (Gmel et al., 2003).
Comparer des personnes ayant une consommation "légère à modérée" à un groupe contrôle constitué d'anciens buveurs constitue donc un biais important!
Les études ont généralement comparés des abstinents en moins bonne santé que les consommateurs “légers” à “modérés”
De plus, dans de nombreuses études, les buveurs "légers à modérés" étaient systématiquement en meilleure santé que les abstinents sur divers indicateurs de santé qui ne sont pas nécessairement liés à la consommation d'alcool (hygiène dentaire, activité physique, régime alimentaire, poids). Les abstinents "à vie" ou les anciens buveurs peuvent ne pas consommer d'alcool en raison de problèmes de santé, de maladies ou de traitements médicaux incompatibles avec la consommation d'alcool.
Les études ont généralement comparé des absitents de statut socio-économique moins élevé que les consommateurs “légers” à “modérés
Dans d'autres études, les buveurs "légers à modérés" différaient également en termes de statut socio-économique, avec un revenu et un niveau d'éducation plus élevés comparés aux abstinents.
En conclusion, les études argumentent que ce n'est pas l'absence d'alcool qui augmente le risque de mortalité, mais plutôt la mauvaise santé préexistante.
Cette proposition avait déjà été partagée en 1988 dans le très prestigieux journal scientifique The Lancet. Mais que n’inventerions-nous pas pour se donner une bonne excuse de boire?
"The data suggest that the observed alcohol-mortality relationships are produced
by pre-existing disease and by the movement of men with such disease
into non-drinking or occasional-drinking categories.
The concept of a "protective" effect of drinking on mortality, ignoring the dynamic relationship between ill-health and drinking behaviour, is likely to be ill founded.”
“Oui mais… le vin rouge est riche en polyphénols”
C’est vrai. Le vin rouge est riche en polyphénols, mais ce n'est pas la seule source! Vous pouvez trouver ces molécules dans de nombreux aliments, tels que les légumes, les fruits ou encore le cacao… ;)
Consommer moins de 25 grammes d’alcool par jour et pas tous les jours
Selon l’article présenté ici, une consommation égale ou supérieure à 25 grammes d’alcool par jour était associée à une augmentation accrue de la mortalité, et ce, surtout chez les femmes.
Sachant qu’un verre standard représente environ 10 grammes d’alcool il serait intéressant de ne pas consommer plus de deux verres d’alcool par jour.
Cependant, l’Organisation Mondiale de la Santé a récemment publié un rapport stipulant qu’aucune dose d’alcool est bonne pour la santé: l’abstinence est bonne pour la santé.
Si vous décidez de boire de l’alcool, n’en consommez pas tous les jours.
Infographie réalisée de la Société Française d'Alcoologie.
Lexique:
- Revue systématique de la littérature : une analyse approfondie de toutes les études disponibles sur un sujet particulier.
- Méta-analyse : une technique statistique qui combine les résultats de multiples études pour obtenir des conclusions plus robustes et générales.





